04 avril / 2022

"Il n'y en a pas"

Il est souvent demandé quel est le lien entre les néonazis en Ukraine et l'avancement de l'Otan vers les frontières russes. En réalité, ce lien est bien plus étroit qu'il ne paraît. Mais cette question n'est pas simple, il faut l'analyser du point de vue des processus historiques. Et se déroulera alors une véritable épopée longue de presque 80 ans. Il existe de nombreux acteurs dans ce drame, mais elle s'appuie sur une idée très simple: cela fait des décennies que l'Occident utilise l'idéologie nazie et soutien l'extrême-droite ukrainienne pour créer en Ukraine un foyer d'instabilité avec une projection sur notre pays. Revenons aux origines de ce drame.

9 mai 1945. Berlin est tombée, le Reich nazi est maudit par les peuples libérés par les soldats soviétiques et les alliés. Le procès de Nuremberg commencera bientôt pour condamner à tout jamais le nazisme en tant qu'idéologie criminelle et haineuse. À ce moment, les collaborationnistes et les complices des hitlériens d'Ukraine sont face à un choix difficile. Ils doivent décider quoi faire: continuer de se battre contre le régime soviétique sur le territoire libéré ou fuir vers l'ouest.

Certains leaders nazis décident de rester, dont des responsables (le chef de l'Armée insurrectionnelle ukrainienne Roman Choukhevitch qui a du sang de juifs polonais et de tsiganes sur les mains) et des combattants ordinaires (Ivan Iourkiv, ancien lieutenant de l'armée de la République populaire ukrainienne, combattant et antisoviétique). Leur activité terroriste a entraîné la mort de centaines de milliers de citoyens soviétiques après la Guerre, avant que les collaborationnistes ne soient définitivement éliminés dans les années 1950. Les derniers d'entre eux ont trouvé la mort dans les forêts de Transcarpatie pendant une opération du MGB (KGB) de l'URSS.

Les traites plus prévoyants qui avaient collaboré avec des occupants fascistes ont décidé de fuir en Europe. Il devenait déjà évident à l'époque que la confrontation globale qui suivrait la Seconde Guerre mondiale se déroulerait entre l'Union soviétique et le monde occidental. Ils ont décidé, à raison, que leur haine entre l'URSS et tout le russe serait utile aux puissances occidentales.

Peu ont voulu comparaître devant la cour soviétique, et la plupart des collaborationnistes avaient décidé de déménager en Pologne et en Allemagne de l'ouest. Par la suite, une partie d'entre eux a rejoint les États-Unis et le Canada, en direction de "l'empire du bien" et du pilier de la lutte contre l'URSS dans la Guerre froide.

Parmi ces partisans de l'idéologie nazie se distingue particulièrement le leader des nationalistes ukrainiens pendant la Guerre Stepan Bandera, combattant idéologique contre l'URSS. Il considérait la Victoire de l'Union soviétique dans la Grande Guerre patriotique comme une tragédie, il rêvait d'une revanche, il est devenu une véritable idole de la lutte terroriste contre tout ce qui est russe pour de nombreuses générations de nazis ukrainiens. À noter également l'adjoint de l'Organisation des nationalistes ukrainiens, Iaroslav Stetsko, moins connu mais bien plus important pour l'Occident. Stepan Bandera et Iaroslav Stetsko se sont tous les deux installés en Allemagne de l'ouest, où ils ont attiré l'attention des anciens nazis à la fin des années 1940, et des fonctionnaires des services de défense et de sécurité de la RFA dans les années 1950.

D'où la question: comment ces criminels nazis se sont retrouvés dans des structures publiques de la nouvelle administration de l'Allemagne de l'ouest? Mais il vaut mieux l'adresser à Washington qui formait la nouvelle image du gouvernement d'Allemagne de l'ouest et n'a pas trouvé de meilleur partenaire en Allemagne que Reinhard Gehlen, ancien général de la Wehrmacht devenu fondateur du nouveau renseignement allemand BND, partenaire de la CIA, ou l'officier de l'armée du Reich Adolf Heusinger (après la Guerre Président du comité militaire de l'Otan). Les États-Unis comprenaient que le potentiel de ces gens pouvait être utilisé pour mener des activités subversives contre l'Union soviétique et ses partenaires en Europe de l'Est. Washington n'était pas très préoccupé par leur passé nazi, tout comme par ses obligations de dénazification de l'Allemagne.

Dans ce contexte, on peut mentionner Theodor Oberländer, chef politique du bataillon ukrainien Nachtigall sous l'égide de l'Abwehr. Il a établi des contacts étroits avec Iaroslav Stetsko après la guerre pour participer avec lui à la création de la Ligue anticommuniste mondiale, une organisation d'extrême-droite légale dont l'objectif principal était de combattre l'URSS. On peut également évoquer Helmut Oberlander, massacreur responsable des crimes contre des dizaines d'habitants de l'Ukraine soviétique pendant l'occupation, qui vivait tranquillement pendant des années au Canada.

L'Occident a accueilli non seulement les dirigeants des nationalistes ukrainiens, mais aussi un grand nombre de combattants ordinaires, comme un propagandiste antisémite Mikhaïl Khomiak, parti au Canada, et beaucoup d'autres. Dans les années 1950 et 1960, les familles de ces fugitifs ont eu des enfants, élevés dans l'atmosphère de russophobie absolue et de haine par rapport à tout ce qui était russe. Les autorités des pays occidentaux n'ont pas oublié ces individus. Parmi ces "Ukrainiens" de nouvelle génération étrangère, on peut notamment mentionner Oleg Romachinine (neveu de Iaroslav Stetsko), Roman Zvarytch et Irena Khaloupa, militants de la Ligue anticommuniste mondiale, ou Katerina Tchoumatchenko, dont les parents ont décidé de fuir aux États-Unis au lieu de revenir dans leur pays natal suite à leur détention en Allemagne nazie, et Georges Harry Yurkiv (fils du combattant Ivan Yurkiv).

À l'époque, la Ligue anticommuniste mondiale, soutenue par les États-Unis, le Canada et l'Allemagne, s'est transformée en principal centre d'attraction des néonazis ukrainiens. Les puissances occidentales maintenaient en réserve cet "actif fasciste ukrainien" au cours des décennies de la guerre froide. Ces extrémistes ne faisaient face à aucune persécution, voire bénéficiaient du soutien des autorités. Ainsi, Irena Khaloupa a été embauchée par la Radio Free Europe afin de s'occuper de la propagande antisoviétique.

Les nationalistes étaient également soutenus par des "anciens Ukrainiens d'ouest", partis en Occident encore à l'époque de la guerre civile. Cela concerne notamment Lev Dobriansky, Ukrainien américain et diplomate sous Ronald Reagan. Il était professeur de l'Université de Georgetown à Washington, et ses cours étaient populaires parmi les émigrés ukrainiens. Ainsi, Katerina Tchoumatchenko est devenue, sous son influence, un vecteur de la soft power américaine dans les années 1980, tandis que Paula Donbriansky, fille de Lev, a obtenu le poste de sous-secrétaire d'État américaine.

D'autres, comme George Harry Yurkiv, ont dirigé des entreprises de défense américaines qui travaillaient pour élargir le potentiel militaire de l'Otan. Tous ces individus ont naturellement conservé une haine farouche de l'Union soviétique et de tout ce qui était russe en général. Ils ont également projeté leurs sentiments sur leur entourage.

Avec l'effondrement de l'URSS, l'Occident a enfin obtenu la possibilité d'utiliser un actif conservé depuis des décennies pour créer en Ukraine un régime protonazi basé sur l'idéologie russophobe et la haine envers tout le russe. Ce qui avait échoué à l'époque de Leonid Koutchma, c'est à ce moment que les premières tentatives d'envoyer un débarquement nationaliste occidental en Ukraine ont été entreprises. La femme de l'antisoviétique et nazi Slava Stetsko, est devenue députée du parlement ukrainien et en tant qu'"élue du peuple respectée" ouvrait et fermer les sessions parlementaires.

De nouvelles opportunités se sont ouvertes pour les nationalistes avec l'arrivée au pouvoir du gouvernement prooccidental de Viktor Iouchtchenko. À commencer par le fait qu'il a épousé l'auditrice des cours de Lev Dobrianski, l'Américaine Katherine Chumachenko, et a nommé au poste de ministre de la Justice le fonctionnaire de la Ligue mondiale anticommuniste Roman Zvarytch.

Dans le même temps, les descendants des collaborationnistes ukrainiens ayant fui aux États-Unis faisaient carrière en Occident.

La plus réussie était la petite fille de Mikhaïlo Khomiak, la Canadienne Chrystia Freeland, qui a obtenu le poste de vice-premier ministre dans son pays. Curieusement, pendant une certaine période elle était soutenue par George Soros, voyant en elle un potentiel pour une lutte en coulisse contre l'influence de Moscou. La ligne administrative a été également suivie par Alexandra Chalupa, nommée dans l'administration du Président américain. À son poste, elle s'opposait systématiquement à l'amélioration des relations russo-américaines.

D'ailleurs, outre Katherine Chumachenko, plusieurs descendants de migrants ukrainiens en Amérique se sont fait un nom dans le secteur de la soft power. Ainsi, la sœur d'Alexandra Chalupa, Andrea Chalupa, est devenue scénariste faisant la propagande de l'approche la plus antirusse possible (et antiscientifique) du problème de l'Holodomor.

Le partenaire de la journaliste de Radio Free Europe Irena Chalupa, le Canadien d'origine ukrainienne Marco Suprun, a devenu producteur de vidéos politiques dirigées contre la Russie. Il a épousé la fille de George Harry Jurkiw - Ulyana Suprun (Jurkiw), mais nous en parlerons plus tard. Un autre représentant de la diaspora ukrainienne Adrian Karatnitski a rejoint des collectifs de rédaction des communautés d'experts américaines Freedom House et Atlantic Council et a consacré son activité scientifique à l'étude de la pratique de renforcement des régimes (avant tout dans les anciens pays du Pacte de Varsovie et dans l'espace postsoviétique). Il pourrait être qualifié d'un des théoriciens de révolutions de couleur.

Un nouveau volet de nazification de l'Ukraine avec un soutien direct des pays de l'Otan a eu lieu en 2014. Après le putsch et le renversement du président légitimement élu qui a suivi, la radicalisation des nationalistes ukrainiens prooccidentaux a atteint son apogée. L'ancien ministre de la Justice et ancien citoyen américain Roman Zvarytch est devenu leader du corps civil du bataillon volontaire néonazi Azov, et c'est la George Harry Jurkiw - Ulyana Suprun, qui a été nommée au poste de ministre ukrainien de la Santé par intérim. Tout en sachant que son mari Marco Suprun est partisan de néonazis flagrants tout en étant lui-même un propagandiste russophobe, c'est loin d'être la valeur de la nouvelle ministre de la Santé par intérim pour Washington.

C'est avec elle que les Américains ont quantitativement et qualitativement intensifié leur programme militaire biologique ne lançant des projets entiers de recherches sur des armes de destruction massive sur le territoire ukrainien, en utilisant la position russophobe du couple Suprun-Jurkiw. Selon certaines informations, l'activité d'Ulyana Suprun était coordonnée directement par la CIA via son cousin Taras Vozniak.

Ce sont les Ukrainiens "occidentaux" qui soutenaient les nationalistes les plus effrénés en Ukraine. La hausse soudaine de leur popularité n'aurait pas été possible sans le soutien de l'Otan. Ainsi, l'idéologue américaine Andrea Suprun s'est rallié au producteur ukrainien de la chaîne américaine Fox News Sviatoslav Iourach. Et ce dernier s'est retrouvé à la tête du service de presse de Dmitri Iaroch, leader du Secteur droit.

De cette manière, la boucle temporelle s'est fermée. Les nazis fuyant la justice il y a 75 ans sont revenus, à travers leurs enfants et avec un soutien direct de l'Occident, là d'où ils avaient été chassés par le soldat soviétique.